Pierre de BRETIZEL : Les eaux souterraines du Mont Agel ... |
|
5.1. Roches réservoir
Une grande partie des groupes stratigraphiques, dont la lithologie est brièvement décrite au paragraphe 2, sont des roches calcaires plus ou moins dolomitiques ou marneuses. Leur capacité d'emmagasinement hydraulique est donc liée à la fracturation et aux dissolutions karstiques plus ou moins actives selon leur teneur en dolomite ou en argile.
5.1.1.lnfralias (11-2)
Faciès dolomitique dominant, plus ou moins bréchifié par places mais peu affecté par l'érosion karstique. Le coefficient d'emmagasinement est faible, sauf dans les couloirs de fractures.
La perméabilité de couche est médiocre du fait de l'abondance de lits marneux vers la base.
Les valeurs des paramètres d'emmagasinement et de perméabilité deviennent presque nulles là où cet horizon forme la base des masses jurassiques chevauchantes : une minéralisation épithermale à paragénèse polyphasée de gypse, calcite, dolomite (accessoirement ankérite, sidérose, limonite) y colmate fissures et parties bréchifiées. Cette minéralisation s*est probablement mise en place pendant ou immédiatement après la phase de chevauchement. Elle forme une « semelle étanche », sauf dans les couloirs des failles extensives tardives.
C'est ce faciès secondaire qui peut parfois être confondu avec du Trias gypseux.
5.1.2. Jurassique moyen et supérieur
Séquence calcaire continue, très fracturée. pouvant atteindre 300 mètres d'épaisseur, soumise à une karstification importante. Le coefficient d'emmagasinement peut être localement considérable. La perméabilité de couche est très élevée du fait de la rareté des interlits marneux ou argileux.
5.1.3. Cénomanien (C2)
Séquence principalement argileuse, ductile. La perméabilité de couche, pratiquement nulle, en fait une barrière étanche efficace sur une trentaine de mètres d'épaisseur.
5.1.4. Turonien - Sénonien (C3-7)
La partie marneuse supérieure forme une barrière imperméable, mais elle est peu représentée dans le secteur d'étude où elle est généralement érodée.
La partie inférieure, constituée d'une alternance de calcaires marneux ou gréseux et de marnes, a un coefficient d'emmagasinement très faible dans les zones peu tectonisées. Cependant, dans les couloirs de failles d'extension et dans les parties verticalisées ou plissotées. des décollements entre lits apparaissent. II y a alors apparition d'une porosité et d'une perméabilité en grand qui transforment cette séquence imperméable à l'origine en roche réservoir.
5.1.5. Formations superficielles récentes
Elles comprennent le conglomérat miocène de Roquebrune à matrice gréseuse peu consolidée et les dépôts actuels de pente tels qu'éboulis et clapiers (chaos rocheux).
Lorsque leur extension et leur épaisseur sont suffisantes, ces dépôts peuvent se comporter comme des réservoirs de rétention des eaux pluviales ou des eaux provenant de sources en roche masquées.
5.2. Les sources Une vingtaine d'émergences ont été répertoriées à travers le massif. Elles sont incluses dans un périmètre de 40 km2 sur une dénivelée maximale de 1 000 mètres. D'après leur position topographique, géologique et structurale, on peut admettre qu'elles sont les indices de surface de circulations d'eaux souterraines en milieu karstique se répartissant en trois grands réseaux, nommés d'après leur exutoire principal. |
|
a) Réseau de Sainte Thècle
N° carte | Nom de la Source | Débit | Altitude (m) |
Aquifère | Contrôle tectonique |
1 | SainteThède (exutoire principal) 3 griffons | 130 l/sec | + 160 | Brèche calcaire cimentée par du tuf | Faille Peille - Ste Thècle (K) |
2 | Groupe du Viaduc | 10 l/sec | + 200 | Brèche calcaire sous éboulis | Faille Peille - Ste Thècle (K) |
3 | Source de la Launa | Faible | + 270 | Bancs décollés verticaux de calcaires marneux | Satellite de la faille de Laghet (L) |
4 | Groupe de la Fouant Veilla 2 sources |
Faible | + 450 | Brèche calcaire sous éboulis | Faille Peille - Ste Thècle (K) |
5 | Groupe nord du Rastel 4 sources |
Très faible intermittent |
+ 550 | Brèche calcaire et marneuse | Faille Peille - Ste Thècle (K) |
6 | Source du Galembert | Très faible | + 440 | Éboulis calcaire intermittent | ? |
7 | Source de la Paran |
Très faible intermittent |
+ 650 | Dolomie broyée | Base de chevauchement |
8 | Source de la Terca |
Très faible intermittent |
+ 830 | Base du grand clapier des Cabanelles reposant sur des marnes | Néant |
b) Réseau du Larvotto
N° carte | Nom de la Source | Débit | Altitude (m) |
Aquifère | Contrôle tectonique |
9 | Captages du Larvotto (exutoire principal) |
491/sec |
0 |
Cavités karstiques noyées. Calcaire jurassique |
Contact jurassique calcaire Crétacé supérieur marneux |
10 | Source de Fondivina | Faible | + 205 | Calcaires jurassiques |
Contact jurassique calcaire Crétacé supérieur marneux |
11 | Captage du col de Guerre | ? | + 600 | Dolomies bréchifiées | Base du chevauchement du Mt Agel (F) |
12 | Source captée de Maraini | ? | + 750 | Éboulis sur calcaires marneux turoniens | Faisceau des failles des Cabanelles (0) |
13 | Deux sources de Fontbonne | Faible | + 749 | Calcaires marneux turoniens | Contact calcaires turonien sur marnes cénomaniennes |
c) Réseau de Cabbé
N° carte | Nom de la Source | Débit | Altitude (m) |
Aquifère | Contrôle tectonique |
14 | Groupe de Cabbé (exutoire principal) 4 griffons sous-marins |
190 l/sec | - 6 |
Cavités karstiques noyées. Calcaires jurassiques |
Contact jurassique calcaire. Marnes cénomaniennes |
15 | Source de la ferme du Mont Agel | Faible | + 730 | Dolomies bréchifiées Infralias | Fractures dorsales de l'anticlinal de Malpas (B) |
16 | Source de Malpas | Faible | + 900 | Dolomies Infralias | Base du chevauchement du Mt Agel (F) |
17 | Sources de Romin | 20 l/sec | + 600 |
Grand clapier de la Loubière |
Retombée est de l'anticlinal du Mont Galian-Malpas (B) |
18 | Deux sources du ravin du Rank | Faible | + 820 | Dolomies Infralias | Base du chevauchement de la Morgelle (H) |
5.3. Circulation des eaux souterraines
L'inventaire des émergences, présenté ci-dessus, n'est pas exhaustif. Il
permet cependant, avec le report sur la carte synoptique, de
constater une relation entre structures tectoniques et eaux souterraines.
Les réseaux actuels du Larvotto et de Cabbé sont l'héritage d'une érosion
karstique ancienne qui se serait mise en place durant la phase de distension
ayant suivi les mouvements de plissements jurassiens au Lutétien (figure 1).
D'autre part, on retrouve en altitude des restes d'anciens poljiès recoupés par l'érosion actuelle, notamment la dépression des "Lacs" entre Saint Martin et Saint Pancrace et la dépression sommitale du Mont Galian, qui devaient correspondre à des réseaux karstiques ayant fonctionné pendant la phase distensive ayant suivi les mouvements chevauchants au Miocène.
Seul le réseau de Sainte Thècle apparaît plus récent : sa mise en place a dû débuter avec la distension ayant suivi la poussée messinienne venue du nord-est, en même temps que le soulèvement du Mont Agel entraînait le rajeunissement des réseaux du Larvotto et de Cabbé.
5.3.1.Aire d'alimentation du réseau de Cabbé
Elle est déterminée par
l'axe anticlinal du Seuillet - Malpas - Cap Martin.
Elle est limitée latéralement par les barrières imperméables des marnes
du Cénomanien, à l'ouest vers le synforme de Fontbonne (D) et à l'est vers le
bassin paléogène de Menton qui se trouve ainsi isolé du massif du Mont Agel.
A l'amont, elle s'arrête à la ligne de partage des eaux de surface aux
crêtes des Cabanelles et de la Morgelle.
La presque totalité de cette aire est un impluvium (absorption des eaux
pluviales) y compris les marnocalcaires turoniens plus ou moins tectonisés et
les poudingues miocènes de Roquebrune à matrice gréseuse perméable.
Sa surface en plan horizontal est de 16 km' avec une dénivelée totale de 1
100 mètres correspondant à une pente moyenne de 12 %.
D'après les émergences situées en amont, les circulations dans le réseau
apparaissent permanentes au-dessous de 800 mètres d'altitude.
5.3.2. Aire d'alimentation du réseau du Larvotto
Elle est déterminée par le môle de calcaires jurassiques du Mont des Mules
et par la partie des chevauchements de la Turbie et du Mont Agel occupant le
versant sud de ce dernier.
A l'aval, sous les chevauchements, entre la « Moyenne Corniche » et la mer,
sa limite vers l'est est constituée par le plan de contact des marnes
cénomaniennes imperméables qui ferment le synforme de Fontbonne (D).
L'impluvium exclut la partie chevauchante des marnocalcaires crétacés du
secteur de Fontbonne ; en effet le faible pendage des lits marneux ne permet que
difficilement la pénétration des eaux pluviales sur cette pente escarpée.
La surface de l'aire d'alimentation est de 10 km2 incluant un impluvium de 9
km2 environ. La dénivelée totale est de 750 mètres, correspondant à une
pente moyenne de 25 %.
D'après les émergences situées à l'amont, les circulations apparaissent
permanentes de haut en bas du réseau.
5.3.3. Aire d'alimentation du réseau de Sainte Thècle
Elle correspond au plan de basculement structural vers le nord-ouest induit
par la grande faille de Peille - Sainte Thècle (K) et ses satellites, dont elle
constitue le compartiment sud-est.
Elle couvre à peu près toute la surface affleurante des masses chevauchantes du Mont Agel (F) et du Rastel (G) soit 12
km2. La presque totalité de cette surface constitue l'impluvium du réseau. La
dénivelée totale entre l'exutoire de Sainte Thècle et la cime des Cabanelles est de
900 mètres, correspondant à une pente moyenne de 20 %.
D'après les émergences situées en amont, les circulations ne sont permanentes dans le réseau que sous la cote
d'altitude de 450 mètres.
![]() |
![]() |
![]() |