Pierre de BRETIZEL : Les eaux souterraines du Mont Agel ...

   

6. CONCLUSION

Les travaux de cartographie tectonique que nous avons effectués depuis 1994 apportent des éléments nouveaux pouvant servir à une meilleure compréhension de l'hydrogéologie du massif.
Ces éléments nouveaux sont principalement

a) L'origine épiglyptique probable des chevauchements du Jurassique sur le Crétacé supérieur.
Ce fait d'observation amène à revoir à la baisse l'estimation de l'amplitude horizontale de ces chevauchements. Mais surtout, il conduit à considérer que le tréfond est solidaire de la surface et que l'amplitude des déformations s'amortirait en profondeur. Ceci infirme l'hypothèse communément admise que plus on s'éloigne de la surface plus les complications tectoniques augmentent du fait d'un « rabotage basal » supposé, d'où le caractère aléatoire de toute recherche hydrogéologique en profondeur !
Nos observations nous amènent au contraire à penser que la complexité tectonique est une amplification superficielle de déformations profondes simples affectant le socle.

b) La mise en évidence (par traitement d'image aérienne et satellitaire contrôlé sur le terrain) de la faille normale décrochante de Peille - Sainte Thècle qui est déterminante pour la circulation des eaux souterraines sur tout le flanc nord-ouest du massif.

c) L'existence probable au Lutétien d'une phase de plissements de style jurassien, antérieure aux phases de chevauchement, suivie d'une période de fracturation d'extension et d'érosion des axes anticlinaux (glyptogénèse), au cours de laquelle se seraient mis en place les premiers réseaux karstiques. Ces derniers auraient été oblitérés par les chevauchements épiglyptiques postérieurs puis réactivés avant et après la " crise" messinienne.
Dans l'état tectonique actuel, les karsts anciens ci-dessus constituent la partie inférieure des réseaux de circulation des eaux souterraines en connexion avec les karsts d'altitude plus récents qui les alimentent.
Pris dans son ensemble, le massif du Mont Agel constitue une ressource aquifère potentielle bien individualisée structuralement et distincte des ressources des bassins paléogènes voisins de Contes et de Menton.
Ses trois exutoires principaux totalisant près de 400 l/sec drainent un périmètre de 37 km' englobant des reliefs de 1 000 mètres de dénivelée. Le système karstique qu'il contient est comparable par ses dimensions à d'autres grands systèmes karstiques dans les Préalpes du nord, tels que les réseaux de la Luire et du Berger dans le Vercors ou le réseau du Guiers Mort dans la Chartreuse.
Le fonctionnement hydraulique de ces derniers est relativement bien connu, car ils sont pénétrables et ont fait l'objet d'explorations spéléologiques systématiques.
Le karst du Mont Agel est considéré actuellement comme impénétrable. Cependant l'expérience acquise dans les grands réseaux cités ci-dessus a montré qu'une prospection systématique et le forçage de fentes de lapiaz à circulation d'air et le déblayage des éboulis colmatant certains fond d'avens peut aboutir à une pénétration dans un réseau de cavités sous-jacentes.
L'action spéléologique, si elle est possible, nous paraît préférable à la méthode des traçages (colorants chimiques ou isotopiques) peu fiable dans un milieu très tectonisé pour l'étude d'un karst tel que celui du Mont Agel.

 

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