Pierre de BRETIZEL : Les failles aquifères du Mont Bégo

   

1 - CADRE GÉOGRAPHIQUE

Le Mont Bego est situé dans la partie amont du bassin versant du torrent de Bieugne qui est un affluent de la rive droite de la Roya. II conflue avec cette dernière à Saint-Dalmas-de-Tende. Le torrent de Bieugne est le déversoir du Lac des Mesces qui est alimenté en amont par deux adventifs : le torrent de la Minière qui contourne le Mont Bego par le sud et le torrent de la ValmasqueCastérino qui le contourne par le nord.
Le massif montagneux du Mont Bego est donc délimité par les vallées de la Valmasque et de la Minière. 1l culmine à 2 872 m. Le point bas du massif, au lac des Mesces est à 1 390 m.
La forêt de mélèzes couvre principalement les versants orientés au nord (ubac) jusqu'à une altitude de 2 100 m. Le reste du terrain est occupé par des alpages jusqu'à 2 500 m. d'altitude, des éboulis, des taches d'herbe à chamois et des parois rocheuses au-dessus de cette cote.
Du point de vue des activités humaines, ces vallées sont essentiellement le domaine de l'activité pastorale saisonnière (transhumance) et de l'exploitation de la forêt.
Au-dessus de 2 000 in., de nombreux lacs d'origine glaciaire parsèment les sous-bassins versants. Certains, comme ceux du Vallon des Merveilles, sont équipés de digues et de vannes permettant de réguler les débits des torrents principaux.
Une usine électrique au lac des Mesces reçoit son énergie de deux conduites forcées, l'une captant l'eau du Lac de Castérino au nord, l'autre du Lac de la Minière au sud.

2 - CONTEXTE GÉOLOGIQUE - DONNÉES ANTÉRIEURES

Sans entrer dans un historique détaillé des études géologiques effectuées dans la région depuis 1887, les synthèses les plus récentes sont celles de R. MALARODA (1970), A. FAURE-MURET et P. FALLOT (1967).
Dans le secteur proprement-dit du Mont Bego, des levés détaillés de terrain ont été effectués par J. VERNET vers les années 50 et ont été intégrés dans la carte géologique au 1/50 000°, feuille de Saint-Martin-Vésubie-Boréon publiée en 1967.
• Les terrains affleurants dans et autour du massif du Mont Bego sont du nord-ouest vers le sud-est
- des granites et des anatexites - la série détritique épicontinentale du Permien - les formations carbonatées marines du Trias
Des dépôts glaciaires quaternaires et torrentiels actuels masquent partiellement les formations plus anciennes.
• D'un point de vue structural et morphologique, les crêtes du Mont Bego constituent une sorte de " cuesta " à pendage vers le sud-est, partiellement démantelée par l'érosion glaciaire.

Rappelons brièvement la lithologie des formations affleurantes

2.1- Terrains cristallins
Deux faciès sont représentés
(a) des anatexites (migmatites) à traînées micacées diffuses affleurant principalement sous la crête nord (Mont Sainte Marie) et dans la partie inférieure du vallon de Valmasque.
(b) un granite calco-sodique à biotite ou hornblende contenant de nombreuses enclaves d'amphibolites (métavolcanites basiques) affleurant principalement dans la partie supérieure du vallon de Valmasque, entre le Lac Vert et le Lac du Basto.

2.2 - Le Permien
La série permienne comprend ici deux litho-faciès distincts :
(a) à sa base, reposant directement sur le socle cristallin, une séquence conglomératique d'épaisseur très variable : le ciment est soit siliceux, soit arkosique. Les éléments sont des galets d'origine diverse, les plus abondants étant quartzeux. Des épisodes d'arkoses plus ou moins grossières apparaissent à différents niveaux de la séquence.
Ce faciès est caractéristique des dépôts de " piedmont " : il est le témoin d'un démantèlement rapide d'un haut relief ayant préexisté à la fin du Carbonifère. Les falaises du Mont Bego sont la meilleure coupe observable de cette séquence dont l'épaisseur dépasse ici 600 m.

 (b) sur ces conglomérats repose une séquence de pélites rougeâtres, verdâtres ou violacées comportant des épisodes pluri-métriques de grès arkosiques blanchâtres ou violacés.
Le faciès pélite, d'après P. BORDET, résulte de la diagénèse de dépôts volcaniques fins du type ignimbrites ou cinérites ; on y observe une schistosité variable, généralement conforme à la stratification, indiquant que ces pélites ont probablement été enfouies profondément sous les sédiments mésozoïques déposés ultérieurement.
Cependant, on note localement des zones à deux ou trois directions de schistosité et des crénulations montrant que des contraintes d'ordre tectonique se sont manifestées à la fin de la période permienne.
 L'épaisseur de la séquence pélitique dépasserait 200 m., mais parait très variable selon les points.


Cime des Merveilles. Au premier plan,
bancs de pélites avec gravures rupestres

2.3 - Le Trias-Jurassique
Dans le massif du Mont Bego, il est représenté par des assises calcaires et dolomitiques reposant en discordance sur le Permien.
A la base, on observe des brèches dolomitiques, à ciment carbonaté recristallisé (faciès cargneule à ankérite), indiquant que la discordance Permien-Trias est d'ordre tectonique (charriage postérieur au dépôt).
La masse principale est constituée de calcaires dolomitiques massifs, ruiniformes, comportant des épisodes à stratification décimétrique ou métrique. Le faciès cargneule est localement récurrent de haut en bas de la séquence. Celle-ci affleure principalement entre les vallées de Fontanalba et de la Minière (plateau du Plan Tendasque) et à la pointe nord du massif (Mont Paracuerta).
L'épaisseur totale du Trias-Jurassique atteint 300 m. environ au Plan Tendasque.

2.4 - Dépôts glaciaires et torrentiels quaternaires
Les dépôts morainiques se retrouvent un peu partout dans le massif mais sont particulièrement épais sur les flancs des grandes vallées de la Valmasque, de Fontanalba et de la Minière.
Dans ces trois vallées, ils sont en voie de démantèlement sous forme d'éboulis de pente et d'alluvions torrentielles.
Le modelé de tout le massif est d'ailleurs fortement marqué par l'érosion glaciaire.

Remarque
La stratigraphie présentée ici diffère légèrement de celle de la carte géologique au 1/50 000 (feuille St-Martin-Vésubie-Boréon). Cette différence concerne surtout le Permien, dans lequel les auteurs de cette carte distinguent des grès et conglomérats inférieurs (série de l'Infemo) et des grès et conglomérats supérieurs au-dessus des pélites (série du Bego). Nos propres observations de terrain, confirmées localement par celles de J. VERNET, nous indiquent qu'il n'y aurait qu'une seule série grèso-conglomératique dont la répétition sur les flancs du Mont Bego serait non pas d'ordre stratigraphique mais d'ordre tectonique (voir plus loin).
Signalons également que le terme " cargneules inférieures " (t2a) indiqué sur la carte géologique précitée comme étant la base du Trias n'est pas pour nous d'ordre stratigraphique mais d'ordre tectonique (brèche cargneulisée due au glissement d'une masse charriée).